Lydie B.

Conseillé par (Libraire)
5 août 2017

Vaudeville au Nigéria

Baba Segi est un homme d’affaire Nigérian qui se targue d’avoir 7 enfants qui lui ressemblent trait pour trait
« A quoi de petits léopards peuvent-ils ressembler sinon au grand léopard » est-il fier de dire ! Ses enfants, il les a eus avec ses 3 premières épouses. Elles sont mariées avec Baba Segi depuis de nombreuses années quand arrive la 4e épouse Bolande, et avec elle, le drame s'invite dans la maison Segi ! La jeune femme est instruite, et même bien plus que cela puisqu’elle a fait des études universitaires et qu’elle est diplômée contrairement aux trois premières épouses qui sont quasiment analphabètes. Cela suffit pour que Bolande soit immédiatement rejetée par les autres, son savoir les oppose, mais pas seulement car Bolande est une jeune femme rebelle face à l’autorité, elle n’a pas l’intention de se laisser manipuler par ses 3 aînées.
Pourtant très rapidement, elle va se trouver face à un problème important, les mois passent et elle n’est toujours pas enceinte. Alors qu’au Nigéria, l’épouse doit devenir mère au plus vite pour être reconnue par la société, donc par les autres épouses !
Chaque chapitre du roman donne la parole à une des épouses qui tour à tour va comploter, manigancer ou espionner les autres, écrit dans un style pimenté, et très imagé.
Bolande est pour les 3 autres, l’intrus à éliminer, celle par qui le mal est arrivé dans la maison de Baba Segi.
C’est ce vaudeville dans le Nigéria contemporain. Lola Shoneyin y dénonce l’hypocrisie, la polygamie, et surtout la condition féminine au Nigéria, dans un texte rempli d’humour et de gravité à la fois. Très agréable à lire.
L’auteure qui vit à Lagos, cette immense mégalopole de plus de 12 millions d’habitants, souhaite transmettre un message à la jeune génération, surtout aux jeunes garçons, c’est un peu la morale de l’histoire. Elle leur conseille de
« Prendre une épouse et une seule car il est préférable d’avoir une seule source d’ennuis, c’est plus facile à gérer ! »
C’est plutôt habile de se servir d’une idée misogyne pour aider la cause des femmes.
Un talentueux roman engagé plein d’humour.

Lettre à Marion du Faoüet

Sabine Wespieser Éditeur

12,00
Conseillé par (Libraire)
5 août 2017

Mélancolie rebelle

« Chère Brigande », la lettre d’une femme engagée à une jeune rebelle que trois siècles séparent mais qu’une belle utopie, le respect de l’être humain, rapproche dans le rêve d’un monde meilleur.

Tous les romans de Michèle Lesbre sont autant de chemins vers des personnages singuliers, dans une douce mélancolie et un style lumineux et concis. Comme dans « Chemins », une scène de la vie quotidienne va déclencher chez Michèle Lesbre, un travail de mémoire tout en tissant une passerelle entre notre siècle et celui des Lumières.
De retour à Paris avec l’hiver, après un long exil volontaire, la narratrice observe dans sa rue une jeune femme installée dans le plus grand dénuement devant une ancienne boutique. Elle a le sentiment de la reconnaître et de l’avoir déjà rencontrée chez des amis lors d’une soirée d’anniversaire. Malgré son apparence de madone hors du temps à la chevelure flamboyante, les regards d’indifférence des habitants du quartier semblent l’avoir plongée dans un état de détachement désabusé. Elle refuse toute aide, quelle qu’elle soit, de sa voisine éphémère, la laissant dans un état ambigu de gêne et de culpabilité. Avec l’arrivée des journées plus clémentes du printemps, la rebelle sans-abri disparaît, ne laissant pour seule trace qu’un graffiti sur le mur « Où es-tu Marion ? ». Cette disparition soudaine et l’inscription laissée, provoque un trouble chez l’auteure qui se laisse tenter par le désir d’écrire une longue lettre à une autre Marion, brigande bretonne du XVIIIe siècle qui l’a toujours fascinée, elle qui a pour éternel refuge, cette région au bord de l’océan. Marion du Faouët était une gamine effrontée qui avait grandi à l’école de la vie. Une joyeuse voleuse aux cheveux acajou, amoureuse de la vie qui enflammait le cœur des hommes et qui comme Robin des Bois, dépouillait les riches pour redistribuer l’argent aux pauvres. La liberté était sa force.
Raconter le destin de cette insoumise, renvoie la narratrice à sa propre vie. Elle fait le parallèle avec ses engagements passés et se rappelle ses blessures peut-être jamais cicatrisées mais qui pourtant ne la feront pas renoncer à ses belles utopies de femme militante ayant le sentiment d’être devenue une étrangère dans notre monde abîmé.

( Prix France Bleu . Prix Orange 2017 )

Sabine Wespieser Éditeur

21,00
Conseillé par (Libraire)
5 août 2017

Une fascinante fresque familiale.

Louis-Philippe Dalembert nous fait découvrir un côté méconnu de l’histoire de son pays, le vote par l’Etat Haïtien en 1939 d’un décret-loi donnant l’aval à tous les consulats pour délivrer des passeports à tous les juifs qui souhaitaient se réfugier en Haïti.
Une fois cet aspect de Terre d’Accueil relaté dans le prologue, comme pour faire une mise au point, Louis-Philippe Dalembert raconte la fresque familiale des Schwarzberg, de Ruben en particulier, médecin d’origine polonaise de 97 ans qui retrouve sa petite cousine Déborah à Port-au-Prince, quelques jours après le séisme qui a dévasté Haïti le 12 janvier 2010. Déborah, jeune médecin, fait partie des humanitaires israéliens venus apporter leur aide. Déborah est née en Israël et connait finalement que peu de choses sur sa famille éclatée un peu partout dans le monde pendant la guerre. Elle attend que Ruben lui déroule petit à petit le récit des péripéties qui l’ont amené en Haïti si loin de sa Pologne natale.
Louis-Philippe Dalembert dans cet éloge à son île natale, nous entraîne avec Ruben de la Pologne à l’Allemagne. Puis à Paris, après beaucoup de difficultés, la liberté enfin retrouvée, avant de fuir encore une fois vers sa troisième patrie, Haïti qui deviendra sa Terre Refuge.
Ce tout petit pays qui a su ouvrir ses bras à de nombreux exilés alors que bien d’autres les rejeter.
Un texte qui a une résonance toute particulière avec notre actualité.

20,00
Conseillé par (Libraire)
4 août 2017

Un amour à toutes épreuves

Un roman émouvant qui nous transporte dans la vie d’une famille pendant le cataclysme de la seconde guerre mondiale.
L’auteur a choisi une narration à plusieurs voix qui nous entraine du Havre à l’Algérie. Chaque personnage nous raconte sa façon d’appréhender les évènements, influencé par sa propre sensibilité bien sûr mais surtout par l’Amour qu’il porte à l’autre.
Un amour infini, qui donne la force de traverser toutes les épreuves. Cet amour est porté par des personnages qui nous bouleversent.
V.T.C. dit que « Par amour, n’importe quel être humain peut se surpasser. Qu’on tient debout pour l’autre, plus encore que pour soi-même. »

Et c’est ce qu’elle démontre dans ce roman qui est l’histoire de Muguette et Emélie, deux sœurs, et de leur famille.
Elles vivent au Havre, une ville bombardée sans relâche autant par l’armée allemande que par les tirs de l’aviation alliée.
Les deux femmes font tout pour protéger leurs enfants, c’est leur seul but. Avec courage et amour, elles font face aux plus violentes situations jusqu’à jour où la maladie va frapper Muguette. Alors ensemble, les soeurs prendront la déchirante décision d’éloigner les enfants de Muguette, par amour.
Joseph et Marline seront placés dans des familles d’accueil, certes, pour les protéger mais tellement loin, puisque ce sera en Algérie.
C’est un pan de l’Histoire méconnu que l’auteur raconte de manière bouleversante, inspirée par son histoire familiale.
Avec pertinence, Valérie Tong Cuong nous plonge dans la grande Histoire en nous racontant le destin de vies singulières profondément émouvantes.
Une écriture puissante, intense. Une véritable mise en lumière de l’extraordinaire puissance de l’Amour. Le lecteur est envahi d’émotions jusqu’à la dernière ligne. Un grand roman.

Conseillé par (Libraire)
4 août 2017

le silence qui détruit

« Qu’il emporte mon secret » est un roman à tiroirs où le présent se conjugue avec le passé. Pendant une nuit d’insomnie dans un hôtel grenoblois, Hélène, une romancière à succès, écrit une lettre de rupture à son amant, Léo, jeune écrivain en devenir. Cette missive ne va pas être moins qu’une longue confession, une confidence du déroulé de sa vie, particulièrement le drame d’une autre nuit qui a bouleversé 30 ans plus tôt, son existence et dont il lui est impossible de se défaire.
Si Hélène ne peut s’endormir, c’est parce que le lendemain, elle doit témoigner dans un procès celui d’un homme qu’elle a rencontré par hasard lors d’un atelier d’écriture qu’elle animait dans une prison.
Ce procès qui a réveillé en elle un événement horrible, vécu alors qu’elle avait 16 ans et qu’elle était monitrice dans un camp de vacances pour jeunes en difficultés. Ce drame, jusqu’à ce jour, elle a tout fait pour l’occulter, l’enfouir au plus profond de sa mémoire, le refouler hors de sa conscience. Un peu comme si elle obéissait encore à ce gendarme qui lui avait conseillé de ne pas porter plainte, d’oublier « cet accident » comme il l’avait nommé, que ce serait mieux pour elle et à sa mère qui lui ordonnait de ne surtout rien dire à son père pour ne pas le détruire.
Mais elle, Hélène, cette jeune fille de 16 ans, personne n’a réalisé que le silence la détruirait, lui laisserait dans la mémoire, comme une bombe à retardement qui imploserait forcément un jour. Hélène va pourtant se construire en devenant une autre, dans le déni total de ce qu’elle a vécu jusqu’au jour où elle se trouvera face à cet homme qui sera jugé à Grenoble.
Sylvie Le Bihan ne s’en cache pas, dans ce roman elle raconte le cauchemar de sa propre vie. Elle a magistralement écrit ce livre comme un thriller en maintenant le suspense jusqu’à la dernière ligne, avec un dénouement totalement inattendu, qui nous laisse sans mot.