Il faut y aller, maintenant
EAN13
9782493594143
Éditeur
DU FAUBOURG
Date de publication
Collection
LITTERATURE
Langue
français
Langue d'origine
français
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Il faut y aller, maintenant

Du Faubourg

Litterature

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782493594143
    • Fichier EPUB, avec Marquage en filigrane
    6.99

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"Il faut y aller, maintenant vient clore un cycle démarré en 2005 avec la
parution de mon premier roman Notre aimable clientèle (Denoël)", écrit
l'autrice dont c'est le sixième roman. La thématique du démantèlement du
modèle social et la montée dévastatrice de l'individualisme a été traitée par
différents angles : après la privatisation des services publics, ce sera la
privatisation rampante de la Sécurité sociale avec Il risque de pleuvoir
(2008) et les atteintes au code du travail et au dialogue social avec Vacances
d'été (2011). Puis, un roman d'anticipation A l'aide ou le rapport W (2013)
qui imagine dans un futur proche la pénalisation des actes gratuits. Trop beau
(2020) fut une forme de cadeau-bonux, se posant deux questions : 1) maintenant
que décrocher un emploi est devenu un parcours du combattant, ne sous-
estime-t-on pas l'apparence physique des candidats, leur beauté, leur laideur
? N'est-ce pas là un non-dit ? 2) à force de s'intéresser aux discriminations,
la gauche n'a-t-elle pas fait passer au second plan la lutte contre les
inégalités sociales ? Une lutte pourtant essentielle pour revenir à une
société plus humaine, moins fracturée et donc moins tentée par les extrêmes.
Il faut y aller, maintenant fait le constat que le démantèlement du modèle
social est achevé, qu'il n'y a plus rien à sauver. Nous sommes définitivement
entrés dans une nouvelle ère, consumériste et brutale à outrance. Un coup
d'État militaire ayant eu lieu, le nouveau pouvoir, une dictature, impose le
néolibéralisme et la privatisation de tout par la force et par les armes. Ici,
ce sera le choix forcé de l'exil pour l'héroïne, Inès, qui est menacée
d'arrestation pour avoir simplement fait du bénévolat dans des associations
d'aide aux migrants et aux personnes démunies. Le mot de l'éditrice : au-delà
du thème, qui peut paraître dur et dramatique, c'est surtout la musique de la
langue d'Emmanuelle Heidsieck que l'on retrouve ici. L'esprit d'Inès,
l'héroïne et narratrice, vagabonde au gré des verres de vins blancs et de
l'impatience qui monte. Elle joue avec les mots, ceux qu'on n'a plus le droit
de dire comme coup d'état : Je dis coup d'État, mais cela ne se dit pas. On ne
dit pas coup d'État militaire, cela peut coûter cher de dire coup d'État
militaire, on peut être interpellé, arrêté, conduit dans des bureaux,
interrogé, et après... On doit dire rétablissement de l'ordre, on doit dire
nécessaire rétablissement de l'ordre. On ne dit pas dictature bien sûr, on ne
dit pas régime autoritaire, on ne dit pas régime totalitaire, on doit parler
de régime de transition, de pouvoir intérimaire, alors qu'on sait bien que le
général en place et les militaires tiennent le pays pour des décennies. Les
mots que l'on va devoir apprendre, en mauricien. Les mots des chansons que
l'on a envie de se repasser une dernière fois (Can't take my eyes out of you).
Les mots des livres qu'on ne va pas emporter et qui évoquent la dictature de
Pinochet ou bien la Shoah, indépassable. Le cerveau d'Inès s'embrume dans les
vapeurs d'alcool. Et si cette nouvelle vie qui m'attend n'était pas si mal. Et
si cela me permettait de tourner la page. Aucun repère, aucune connaissance
sur place. Et si c'était comme une renaissance. Et si, qui sait, je pouvais
être une autre là-bas. Une autre. (...) Non, non, je ne me plains pas. Je
voudrais juste jeter par-dessus bord cette culpabilité qui m'accable, me
terrasse. Surtout, ne vous méprenez pas, je ne veux pas la ramener, je mets un
genou à terre et je reste en silence. Je voudrais disparaître. Je voudrais
être juive, je voudrais être fille de résistant, je voudrais être partie à
Londres en 1940, je voudrais avoir sauté en parachute la nuit malgré les tirs
et avoir rejoint Daniel Cordier, je voudrais avoir caché des enfants juifs, et
les avoir sauvés, je voudrais être juive, être fille de résistant, je
voudrais... Inès aurait voulu mourir en 1935, être venue avant plutôt qu'après
les camps (rappelons qu'Emmanuelle Heidsieck a été directrice d'ouvrage de
Venir après, de Danièle Laufer). Mourir en 1935 comme son grand-oncle, Paul
T., préfet de Limoges pendant la guerre de 14 - le grand-oncle de l'autrice
dont elle a retrouvé les lettres. Elle nous plonge dans cette grande boucherie
que fut la Première guerre, qui inaugurea le XXè siècle désormais
définitivement clos. Et aussi dans l'affaire Malvy, Dreyfus de la guerre de 14
dans laquelle son grand-oncle fut embarqué malgré lui. Les nécessités de
l'ordre et de l'armée, déjà, l'emportaient sur la raison et la justice. La
raison d'Etat avant tout. Inès voudrait être son grand-oncle mais ...Partir
sans trop se retourner, c'est ce qu'il faut faire, sinon je n'y arriverai pas.
Les larmes aux yeux, partir. Tout abandonner, ma vie à mes pieds. Trouver la
force de m'extraire de mon monde. Réprimer ces larmes qui montent, pas
question. Il faut être ferme et droite, on a encore du chemin à faire. Ce
n'est pas encore gagné. L'avion arrive et Inès va s'envoler vers son nouveau
pays : Il y aura la chaleur tropicale, les routes bordées de palmiers, des
maisons anciennes en bois aux tons pastel, rose, jaune, vert, de vieilles
demeures coloniales, et d'autres construites un peu n'importe comment, des
zones qui ne payent pas de mine, et des supermarchés moches forcément. Il y
aura des jardins luxuriants, lauriers, azalées, bougainvilliers, parfums de
jasmin et de citronnelles, champs de canne à sucre, de thé, d'orangers, à
perte de vue des flamboyants. Il y aura sûrement toutes sortes de bestioles.
Il y aura des eucalyptus que j'aime tant, des anthuriums si mystérieux avec
leur unique pétale rouge luisant et des manguiers. Il y aura des pigeons roses
m'a dit Aida. Et je voudrais bien voir ça. Il y aura... Née en 1963 à Paris,
Emmanuelle Heidsieck est journaliste spécialisée dans la presse sociale. Fine
observatrice du système d'assurance collective contre les accidents de la vie,
elle s'inquiète de la progressive disparition des acquis sociaux issus du
programme du Conseil national de la Résistance. De ces observations
quotidiennes, elle tire la matière pour écrire des fictions à dimension
souvent dystopiques. Elle a publié cinq prédécents roman : Trop beau où elle
imaginait que l'on porte plainte pour discrimination en raison du critère
physique, À l'aide ou le rapport W, dans lequel elle mettait en scène un monde
où l'acte gratuit serait devenu suspect car il remettrait en cause la
marchandisation généralisée. Elle s'est aussi intéressée à la privatisation
rampante de la Sécurité sociale dans Il risque de pleuvoir (Le Seuil, Fiction
& Cie, 2008), à la souffrance engendrée par la mutation des services publics
dans Notre aimable clientèle (Denoël, 2005) et à la question du conflit de
classe dans Vacances d'été (Léo Scheer - LaureLi, 2011). Elle a également
publié des nouvelles et a participé à des ouvrages collectifs. Elle a été
membre du comité d’administration de la Société des Gens de Lettres (SGDL) de
2015 à 2019. Plusieurs de ses oeuvres ont été adaptées à la radio (France
Culture), ou au théâtre. Elle est la fille du poète Bernard Heidsieck et de
l'artiste Françoise Janicot.
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