Mai 1940 : l'invasion allemande jette les Français sur les routes de l'Exode. Dans le village de Bussy, la présence de l'occupant suscite des comportements divers. Écrit dans l'urgence en 1940-1942, le chef-d'œuvre d'Irène Némirovsky, déportée à Auschwitz avant d'avoir pu l'achever, redécouvert en 2004, année où il obtient le prix Renaudot et est traduit dans le monde entier
La symphonie inachevée d'Irène Némirovsky
Printemps 1940. Sur les routes de France, dans un chaos indescriptible, des millions de familles fuient l'avancée allemande. Dans le village de Bourgogne où elle s'est repliée avec son mari et ses filles, bientôt soumise aux restrictions infligées par le " statut des Juifs ", Irène Némirovsky, après des mois d'" angoisse insupportable ", prend le pari de transformer en fiction l'invasion et l'occupation du pays. Elle est convaincue d'écrire, sur ce sujet, son Guerre et Paix. La bourgeoisie française a cessé de l'éblouir : dans la première partie, Tempête en juin, elle la frotte, sur les routes de l'Exode, à " la lie de Belleville ". Elle humilie Corte, type du " grand écrivain ", démasque l'hypocrite Mme Péricand, qui oublie ses principes de charité chrétienne, transforme en " loups " la bande d'orphelins qui faisaient mine d'obéir à l'abbé Péricand " comme des petits chiens ". Et dépeint toute une société rendue à l'état sauvage. La deuxième partie, Dolce, est la chronique à peine déguisée de l'occupation du village où Irène Némirovsky sera arrêtée par la gendarmerie le 13 juillet 1942, puis déportée. Car, si elle n'a pu écrire la fin de son œuvre, elle l'a vécue. L'idylle avortée d'une jeune Française et d'un officier allemand offre de l'Occupation une vision incorrecte mais réaliste. Mille préjugés retiendront toutefois Lucile Angellier de céder aux avances de Bruno von Falk. Le maire et sa femme, Mme de Montmort, se montrent quant à eux plus conciliants... Sauvé du désastre et transcrit par sa fille aînée, le manuscrit de Suite française sera publié en 2004 et récompensé, à titre posthume, du prix Renaudot. Exemple unique et bouleversant d'une fresque sur les " années noires " inspirée d'événements qui l'ont interrompue, ce roman choral était conçu pour être lu " en 1952 ou 2052 ". Écrit dans l'urgence, il continue de séduire par son incroyable recul, son ironie mordante et son souffle puissant.